Ca y est ! Elle est là ! Je n'ose y croire ! Mais quelle déception, pas une goutte d'eau... Je m'attendais à tout sauf à ça...
Malgré tout, j'ai réussi mon défi et j'ai envie de crier "terre, terre" comme le naufragé qui a dérivé de nombreux jours ou comme l'alpiniste qui crie "victoire" au sommet de son sommet !
Mais quelle déception ! J'avais tout envisagé, imaginé, sauf ça : une source sans eau, la source du fleuve Sénégal qui alimente en électricité 4 pays :
Guinée, Mali, Sénégal, Mauritanie, sans eau... Comment est-ce possible ? Je ne suis pas hydrologue, d'accord, mais cela me paraît impensable. M'a-t-on trompée ? Ne serai-je pas au bon endroit ? Ne serait-ce pas là, la source du Bafing ?
(voir mon texte sur le "Mystère du Thionpidgi"... à venir)
Il paraît que c'est avec la sécheresse que maintenant elle se tarit... Bon, mettons...
Quand je regarde la carte et le tracé en jaune fluo du fleuve Bafing de Bafoulabé à la source "Sala Mayo" je m'étonne simplement, d'abord d'avoir eu cette idée saugrenue : remonter le Bafing par la rivedroite jusqu'à sa source, et ensuite d'être là, aujourd'hui, 17 MARS 2008, à la Source !!!
Après 600 km et des poussières, sans sponsors, sans moyens logistiques (à part un GPS prêté par Stéphane de GPS EVASION à Clermont- Ferrand, merci Stéphane !) sans document précis à part une carte au 1/1.000.000, me voilà au bout du trait jaune, depuis longtemps tracé sur ma carte murale !
C'est ça, sans doute, le sentiment du "devoir accompli".
"Dans un voyage de 1000 km, le plus difficile est le premier pas"
Aujourd'hui, au bout de ce voyage, le plus émouvant est le dernier pas !
Avec un petit pincement au coeur,tout de même... C'est fini... Cette belle aventure se termine et me laisse une certaine nostalgie. On ne sort pas indemne d'une telle aventure.
Que de malheurs, que de douleurs,
Que de peines, que de haines.
Ce monde, cette petite partie du monde entr'ouvre la porte de la souffrance, de l'ignorance, de la maltraitance, de l'indifférence, de la violence ...
Je l'ai déjà écrit :
L'Humanité est en danger de mort, de mort imminente et nous sommes tous coupables de non-assistance à personnes en danger."
Ce que ce voyage m'aura apporté ?
- une plus grande lucidité sur la futilité des choses et des évènements.
- une grande compréhension des sentiments et agissements humains.
- une grande humilité devant l'Eternité ou l'Infini...
Là, ce fut quelque chose d'unique et malgré ma contrariété de devoir effectuer ce parcours à moto pour cause de coup de pied gauche enflé, je ne regrette pas ! Quelle épopée !
Imaginez si vous le pouvez le tableau suivant,"Darjela-Fanta" collée au pilote, les mains croisées sur son abdomen, le nez écrasé dans le col de son blouson en simili cuir, les lunettes de soleil collées aux yeux à demi clos, coincées par le foulard, le sac à dos sur le dos, sanglé et bloqué par le petit dossier passager, en tong, on m'avait dit qu'il y avait des marigots à traverser ce qui s'est avéré faux, des ponts en planches ou bambous ayant été construits. Le départ à grands coups de klaxon et de poussière au milieu de la foule du marché de Fandanda fut l'évènement du siècle !!!
Marché de Fandanda
La nuit arrive très vite sous les tropiques. Le pilote lui n'a pas de lunettes. Insensé... Car ce parcours de 30 km qu'on effectuera en 1h 15 tient du cross, du gymkana, et du Paris-Dakar ! La peur ne m'effleure même pas je lui fais entièrement confiance et je me fonds dans la vitesse et fais corps avec son corps et la moto ! Pas question de regarder à droite ou à gauche. Je jette seulement un coup d'oeil devant de temps en temps. Parfois je ne vois même pas la trace de la piste. Tout y est passé : rochers, cailloux, gravillons, arbres, arbustes, souches, sable mou, sable dur, mottes de terre, termitières, herbes sèches hautes et serrées. Pour les passages dangereux en pente raide, la traversée des rivières et marigots, les ponts suspendus en bois, je préfère marcher, je l'avais prévenu avant et il a accepté car il se doit de m'amener entière et en bon état à Diatiféré ! Sa réputation est en jeu et j'ai payé !
La piste zigzague au milieu de tous ces obstacles et la moto penche un coup à droite, un coup à gauche, dérapages, rattrapages, accélérations, il doit avoir de sacrées cuisses le pilote, pour redresser la situation à tous les coups ! De temps en temps quelques onomatopées m'échappent du genre : "ouaille, hum", la bouche fermée quand je décolle sur les rochers, ouf ! Quand ça passe bien ! Il trouve le moyen de me demander si ça va, de regarder derrière et de laisser passer celui qui fonce comme un dingue. Car, en ce jour de marché, veille de la Tabaski, il y a beaucoup de monde ayant fait le déplacement : vélos, piétons, motos, il faut piloter le doigt sur le klaxon !
Ca passe ou ça casse, je n'ose imaginer la deuxième solution...
Une fois de plus mes anges gardiens et petits génies de la forêt sont bien là et m'entourent de leur protection.
" maisons " des petits génies...?
Le Bafing
Vous avez dit Noël ? Cette notion s'efface petit à petit de ma mémoire, seuls le sapin et la crèche brillent encore dans un petit coin.
Noël ? Des enfants heureux, des papiers qu'on déchire en hâte pour découvrir les cadeaux du Père Noël, des pétards, du champagne, de la dinde et des marrons ... Que tout cela est lointain...
Ce matin du 25 décembre 2007, alors que je buvais mon petit café près du feu, une petite fille est battue à quelques mètres de moi, s'écroule dans le chemin sableux, pleure pendant une demie heure puis s'endort épuisée, un bras replié sur le visage, recroquevillée, la jupe de haillons en bas des cuisses. On passe et repasse à côté d'elle, on l'enjambe même comme un vieux carton.
Pas un regard de pitié ou de compassion,ni de la part des adultes ni de sa propre mère.
Les enfants, on ne les aime pas en Afrique et particulièrement en Guinée. Ils ne sont bons qu'à travailler, dès l'âge de 4 ans.
Petit récapitulatif, pour ceux qui auront le courage de me suivre sur une carte, certaines villes sont indiquées sur les cartes, je les écrirai en gras !
BAFOULABE
Batingougou-Faroto-Bakouroufata-Yilimalo-Sankola-Remakono-Bangaya-Kéniékéniéko-
MANANTALI
barrage-Kotidaga-Ngougni-Goungoudala-Djiba-Sitanikoto-Doubabougo-Bafing makana-
Soukoutali-Soukoutadala-Sitakoto-Bankounou-Kouloubendougou
Bafoulabé à Kouloubendougou = 210 km au MALI
FADIALA
Boukaria-Bilalia-Lopé-Dandémayo-Djogoya-Fandanda-Diatiféré-Rangaya-Fellin-Ganiakali-
Simpia-Woudi-Botoko-Madina-
KOUKOUTAMBA
Fadiala à Koukoutamba = 255 km en Guinée
Me restent plus que environ 120 ou 150 km, je pense repartir vers le 16/17 fevrier, on verra l'état de mon métatarse droit, les ampoules sont presque totalement cicatrisées, encore quelques jours. Je compte faire une "fenêtre" dans le côté externe de mes chaussures pour ne plus avoir de frottements à cet endroit- là qui va rester fragilisé maintenant !!!
Je ne me savais pas "animiste" à ce point ! L'Afrique m'influencerait-elle ou est-ce la solitude et le fait de porter ma "survie" sur le dos qui font que je m'attache à toutes ces petites choses qui jalonnent mon quotidien ?
Le pardon et l'oubli sont nécessaires à la vie ...