Encore une petite histoire vécue qui fait suite au feu de brousse qui a failli m'engloutir et qui explique mes ampoules aux talons et l'inflammation des métatarsiens.
Après cet épisode plus que traumatisant, j'ai donc repris la piste en direction de Koukoutamba. Il était 15 heures et d'après mes calculs j'avais encore 5 ou 6 km et deux heures de marche maximum.
Une première fois déjà je me suis égarée et deux jeunes à vélo m'ont remis dans la bonne direction. A travers la forêt dense, les feuilles mortes qui jonchent le sol,ce n'est pas facile de trouver "une piste" !
A 17 h effectivement j'étais à 5OO m de Koukoutamba , mais je ne le savais malheureusement pas…
Je faisais donc une petite pause près de deux cases de pêcheurs fermées à un carrefour de plusieurs pistes avec des traces d'ornières de camion. On m'avait parlé d'un "carrefour routier" important!
Et à partir de là, la fatigue aidant, j'ai commencé à penser et agir de travers et à accumuler les erreurs.
1) A 17h, je n'aurais pas du quitter ce refuge que formaient les deux cases. Il était déjà trop tard pour repartir.
2) J'entendais de grands coups métalliques et j'aurais du m'y diriger : coups = humains !
(j'ai su plus tard que des ouvriers réparaient ce fameux bac vieux de 44 ans et en panne)
3) Mon premier point GPS me situait près des célèbres chutes de Koukoutamba. Mais les bruits résonnant en écho sur les montagnes environnantes, je ne pouvais les situer.
4) Trois types poussant leur vélo sont sortis du bas de la colline où je me trouvais. Je les ai appelé, j'ai crié : "Koukoutamba" ? Ils n'ont même pas daigné me regarder encore moins me répondre. Ils ont eu peur du "singe blanc" et cru voir surgir le diable. Et j'ai raisonné tout faux en me disant qu'ils allaient bien quelque part, au lieu de voir d'où ils venaient !
5) Je suis partie sur cette large piste, vers l'est, à l'opposé de Koukoutamba.
Rien, pas un village, pas âme qui vive. Seul un troupeau de vaches a daigné me regarder, j'ai vu qu'elles me "souriaient" et je me suis dit que je pourrais passer la nuit près d'elles, mais non, elles ont coupé à travers bois et disparu.
Un nouveau point GPS me situe sur la "route" de Kalinko, 18 km. Je décide donc de faire demi-tour, Il est 18h30, dans une demi-heure il va faire nuit et il faut refaire les 6 ou 8 km dans l'autre sens jusqu'aux cases où je pourrai passer la nuit.
J'avale ces km au pas de course, enfin presque, la nuit est là, elle tombe très vite sous les tropiques! Mais il y a la pleine lune, merci Madame la Lune !!!
Je n'ai pas peur, non, mais, je marche au milieu de la piste, ce n'est pas évident quand on n'a jamais passé une nuit seule et en pleine brousse !!! Donc, prudence et j'ouvre grand mes oreilles. Mais il y a FOYE ! Rien que ces grillons genre "réveil qui sonne "qui me poursuivent depuis des km et des km ! Ca, c'est stressant !
J'ai fait OUF ! Quand je suis arrivée aux deux cases: même fermées c'était plus rassurant avec l'espace dégagé et le grand feu... de joie, que j'ai eu vite fait d'allumer ! Je me disais que mon feu serait repéré et intriguerait peut-être quelqu'un ?
J'étais plongée dans mes pensées et méditais sur mes erreurs, lorsque j'entends derrière moi un "DIARAMA" (bonsoir en poular, la langue de l'ethnie peulh) qui me fait sursauter ! A la lueur des flammes, je vois un homme avec un bonnet rouge et un fusil sur l'épaule, chargé d'un vieux sac et d'un bidon jaune, aussi étonné que moi. Je lui aurais sauté au cou, j'étais "sauvée" !
C'était un berger qui revenait au village que je cherchais. Il me dit : "Koukoutamba un demi-kilo" ? Je n'étais qu'à 500 m du village ! Mais personne ne m'avait dit qu'il fallait traverser le Bafing par le bac, enfin quand il fonctionne !
Alors, il s'assoit à côté de moi et se met à crier, plutôt à hurler des sons incompréhensibles qui se répercutent en écho sur les montagnes environnantes. Impressionnant dans cette nuit tropicale, exactement sous les étoiles ! Je croyais qu'il allait ouvrir une case et qu'on dormirait là. Mais non, pas du tout ! Au bout d'un long moment, une demi-heure environ, le même cri lui a répondu de très très loin. Puis il me dit : "Allez, on y va". Moi, docile, je remets mon sac à dos, (heureusement que je n'avais pas enlevé mes chaussures...) et à 100 m de là, nous attend un gars dans une pirogue, ou plutôt un tronc d'arbre creusé, pour traverser le fleuve. Vous imaginez mon étonnement. Sans poser de questions, il ne faut jamais poser de questions ! Je m'accroupis bien au milieu de la pirogue et en quelques coups de rame, nous sommes de l'autre côté ! Encore 300 m et voilà Koukoutamba, petit village de quelques dizaines de cases, comme les dizaines que j'ai traversés! Rien, ni routes, ni lumières, ni camions, ni téléphone !!! Les africains sont très affabulateurs et menteurs, si, si c'est leur nature, ils ne savent pas dire NON et on se fait souvent prendre au piège.
On m'amène près d'un feu autour duquel des jeunes gens discutent et rigolent. A mon arrivée, le silence se fait, la surprise est générale : une femme blanche en pleine nuit et SEULE ! Plusieurs parlent français, j'explique d'où je viens, mon histoire !!! Et ce sont des AHHH, OHHH, HEINNN, on m'apporte du lait caillé, de la pâte d'arachides, de l'eau fraîche (je n'ai même pas pensé à demander d'où provenait l'eau !!!)
Un jeune homme érudit, bien élevé et tout et tout, me donne sa case où je m'installe après avoir lavé mes jambes noircies par le feu et soigné mes pieds,
enflammés, douloureux .
Cette journée, avec plus de 35 km et des émotions fortes explique mes ampoules infectées sur les côtés des talons, les métatarses tassés et fissuré pour le droit.
Le lendemain, j'avais de la fièvre et des ganglions.
Dans cette même nuit, un enfant est né , celui de mon sauveur...